« Nous évitons systématiquement de démolir les immeubles que nous rachetons, commente Erik Moresco, fondateur et CEO du groupe financier Victory qui possède des bureaux à Amsterdam, Londres, Luxembourg, Bruxelles et Genève. Notre objectif est de créer de la valeur, de mettre l’accent sur le capital humain et de collaborer avec des personnes locales. » Victory est une société d’une trentaine de collaborateurs qui, à travers trois fonds, fait l’acquisition de biens immobiliers qu’elle revalorise et transforme en actifs de haute qualité. A coup de centaines de millions de francs, les espaces souvent défraîchis sont remaniés en lieux multifonctionnels haut de gamme comprenant bureaux, fitness, restaurants, salles de conférences, auditoriums, lobbys et réceptions communes. Bien avant la pandémie de Covid, Victory avait anticipé le changement au niveau du monde du travail. Il perçoit la nécessité d’offrir des espaces où les services seront partagés. « Un employeur peut offrir tout cela à ses employés, sans s’en occuper. Cela permet de limiter ses coûts tout en profitant des installations que nous mettons à disposition. »
L’un des grands projets de rénovation de Victory fut l’immeuble Atrium dans le quartier de Zuidas à Amsterdam. Ce bâtiment emblématique était confronté à de nombreux problèmes et difficultés en raison d’un manque d’investissement chronique depuis des années. L’immeuble de 34’000 m2 acquis pour moins de 100 millions d’euros en 2013 sera revendu plus de 500 millions en 2017 après des travaux et investissements conséquents et un agrandissement portant sa surface à 65’000 m2. Il est ainsi devenu un complexe moderne de référence sur le marché. Une opération ultra rentable pour ses investisseurs. Les locataires de l’immeuble sont aujourd’hui de grands cabinets d’avocat tels qu’Hogan Lovells ou encore CMS. A Bruxelles Centre-Nord, Victory a fait l’acquisition de l’immeuble Manhattan, 54’000 m2, toujours en sa pos- session. Le bâtiment, rénové à hauteur de 130 millions de francs, propose aujourd’hui des espaces de travail agréables à vivre, quatre restaurants, cafés et bars, trois fitness et des parkings souterrains amenagés pour les vélos et les voitures.
Le but de ces acquisitions n’est pas seulement de créer de la valeur, mais également de constituer des écosystèmes durables, notamment avec l’aménagement de nombreux espaces verts, mais pas seulement. Par exemple, le fait de rénover l’immeuble Manhattan au lieu de le détruire et le reconstruire comme le recommandaient les architectes, a permis d’économiser 4500 tonnes de carbone, explique Erik Moresco. Offrir un service de restau- ration commun aux locataires permet de générer moins de déchets. Ainsi, même si certains bâtiments d’origine ne sont pas parfaits, Victory préfère transformer plutôt que de démolir et reconstruire. Dans l’immeuble Manhattan, les architectes ont gardé la structure alors que plusieurs hauteurs de plafond et certaines colonnes n’étaient pas optimales. « Nous ne les aurions pas gardés si nous avions construit à neuf. Et contrairement aux croyances populaires, la rénovation est souvent bien plus coûteuse que la reconstruction. » Question durabilité, Victory peut se targuer d’avoir partiellement inspiré une nouvelle loi belge sur l’environnement avec l’immeuble Manhattan. En effet, la rénovation étant bien plus écologique, une démolition doit désormais être justifiée.
Marié à une Suissesse, Erik Moresco s’est installé avec sa famille en 2007 dans la ville du bout du lac. Il saisit l’opportunité d’acquérir en 2022 le Fairmont Grand Hotel et ses bureaux adjacents. Le plus grand cinq-étoiles de Suisse, dont les anciens propriétaires avaient mandaté Jean Nouvel pour leur projet de réhabilitation, va complètement être repensé. Les travaux, qui seront exécutés par le bureau genevois Brodbeck Roulet, débuteront en principe fin 2024 pour une durée d’environ deux à trois ans. Le budget des travaux du bâtiment de 75’000 m2 est estimé par notre magazine à plusieurs centaines de millions de francs. Victory entend également améliorer de manière significative la performance énergétique du bâtiment, actuellement l’un des plus énergivores du canton. Ainsi, Jean Nouvel a prévu l’aménagement de loggias (balcons) face au lac de plus de 4 mètres qui absorberont directement le soleil sans chauffer les chambres.
L’hôtel sera beaucoup plus ouvert sur l’extérieur. Les deux terrasses du deuxième étage seront reliées. Le lobby de la réception sera complètement repensé avec une grande ouverture sur le quai du Mont-Blanc. Le spa et le fitness seront rénovés sur un seul étage et proposeront 2000 m2 d’espace bien-être. L’hôtel devrait diminuer le nombre de ses chambres et suites en passant de 412 à environ 400. De grandes salles de réunion et une salle de bal seront construites face au lac. L’hôtel prévoit de disposer de plusieurs restaurants, d’un lounge bar, d’un bar à cocktails, d’une brasserie et d’une chocolaterie. La mythique boîte de nuit Le Java sera probablement repensée.
Des travaux sont également prévus au sein du Théâtre du Léman afin d’augmenter le confort des spectateurs et diminuer sa consommation énergétique, notamment avec un éclairage adapté. «Nous allons surtout faire en sorte que les restaurants de l’hôtel soient ouverts avant et après les spectacles et plus attractifs pour les Genevois, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.» Concernant les enseignes actuellement présentes, il y en aura probablement moins, car toute l’arcade commerciale doit être redéfinie. « Nous allons cependant probablement prévoir une suite aménagée afin que nos clients puissent faire leur shopping sur place, directement avec des enseignes partenaires », poursuit Erik Moresco. Quant au prestataire, le groupe Accor, il sera maintenu, ainsi que la marque Fairmont. En effet, l’accord de management a été signé en 2019 pour une durée de vingt-cinq ans.